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La Nouvelle Alice
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Préface de Sophie Reymond

(Extraits)
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.... Ce recueil rassemble des bandes dessinées parues dans divers journaux au cours des années 70. Elles donnent à lire des récits oniriques et fantas(ma)tiques qui jaillissent comme des fulgurances des désirs de vie, de liberté, de plaisir, d’innocence et de légèreté ; mais aussi et pareillement essentiels, des désirs de domination, de violence et de destruction. Une ambivalence fondamentale est ainsi dévoilée, au cœur d’une réalité humaine où se disputent animalité et humanité.
.... Les années 70 ont vu le combat féministe gagner en force et en rage, alors que Charlie mensuel en restait, sous les crayons de Wolinski et Pichard, à un personnage féminin plantureux à souhait, Paulette, objet cristallisant tous les fantasmes machistes et revanchards. Il n’est donc pas étonnant que le rapport entre homme et femme y soit emblématique de cette ambivalence du désir. À première vue, nous n’aurions affaire de la part d’Anne-Marie Simond qu’à une classique guerre des sexes. Au fil des dessins, sans nul doute se trouve dénoncée une impondérable puissance masculine, abêtie et abêtissante, au travers du pouvoir étatique (La nouvelle Alice) ou de la force physique et sexuelle (Alice chez les gonzes). Guerre menée à mort, il n’existera d’autre solution que de tenter en pure perte d’enfermer la dernière femme dans un temple, ainsi déifiée (Alice chez les gonzes). Mais finalement, chacun en prend pour son grade. Aux mâles-ludions assis sur leurs attributs monstrueusement ballonnés, entourés par une cour d’éléphants aux trompes manifestes, correspondra une Mère prolifique et toute-puissante, quoiqu’épuisée, ogresse inversée et « montgolfière » laissant traîner sur la terre son « lombric » ombilical, figurant ainsi une improbable androgynie (Les nouvelles aventures d’Alice 2). Les animaux et la nature offrent parfois les seules conditions d’une existence harmonieuse au sein d’un espace infini, d’une connivence paradisiaque avec l’environnement spatial, animal ou végétal. Tandis qu’on cherchera vainement dans les dessins une relation terrestre apaisée au sein de l’espèce humaine.
.... Au cœur de ce monde étrange se tient Alice, avec ses collants rayés et sa jolie robe, son corps longiligne et sportif, ses longs cheveux au vent et ses fesses à l’air. Le personnage se montre guère moins ambivalent : d’une féroce ingénuité, d’une impitoyable innocence juchée ici sur une montagne de cadavres avant de s’élancer vers le ciel, passant allègrement la corde au cou de sa vertueuse sœur-mère ou survolant, montée sur un aigle royal, une humanité cadavérisée et tournant en rond (La nouvelle Alice) ; ou là, éclatant de rire devant un bouquet composé de crânes de vieillards (Les nouvelles aventures d’Alice 2). Dans un environnement qui tient de la satire, du cynisme, de l’humour noir, du bizarre et du nonsense, évolue une jeune fille aérienne et fantasque, insouciante et cruelle, d’une sensualité à fleur de peau.
.... Elle n’est ni déesse, ni épouse, ni mère, ni autres ‘ni-ni’ auxquels pourrait faire écho le « Ni putes, ni soumises » de l’actuel mouvement féministe : c’est le même combat contre les projections déshumanisantes, faisant fi de l’individualité, de ses aspirations comme de ses limites. Ainsi l’artiste démasque-t-elle les angoisses et les fantasmes de chacun, les pièges de sa nature animale, humaine et sexuée, des rôles politiques et sociaux, des codes culturels ou religieux, comme autant de défis libérateurs que devraient relever les hommes et les femmes, enfin conscients qu’à tout prendre, l’enfer, ce n’est pas seulement les autres, comme disait Sartre, mais aussi soi-même. Probable paroxysme : la substitution de l’appel évangélique « Aimez-vous les uns les autres » par un retentissant « Mangez-vous les uns les autres » (Alice chez les raves), de sorte que la dévoration décidément si jouissive et délicieuse de l’autre (« Alice-vole »), fruit en principe défendu, en vient à caractériser la substance inavouée ou inavouable de la nature humaine, aussi bien celle d’un Dieu tyrannique et castrateur.
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(conception   &   réalisation   :  anne-marie simond  ; copyright  ©  <éditions du héron>  2001  ;  mise à jour,  août 2013)