)
.
.
|
Article XXXV :
Quand le gouvernement viole les droits du peuple,
l’insurrection est pour le peuple, et pour
chaque portion du peuple, le plus sacré des droits
et le plus indispensable des devoirs.
(Extraits de la "Déclaration des
droits
de l’homme et du citoyen" de 1793).
..
. Ce n’est pas sans raison que les premiers personnages créés par le
précurseur de la bande dessinée, Wilhem Busch, sont deux insupportables
gamins, Max et Moritz : les enfants et leurs compagnons à quatre
pattes ont toujours parcouru le monde de cet art, Bicot, Buster Brown,
Charlie Brown et Lucy, héros des Peanuts, ainsi que le chien de la
famille, Snoopy, ces derniers dévorés par des angoisses métaphysiques.
Tous posent un regard neuf sur le monde en disant : "Le roi est
nu", car ils n’ont pas encore appris la langue de bois.
Anne-Marie
Simond fait parler deux enfants, la Petite Alice et Spartacus ;
écoutons-les.
Le thème principal de ce livre est celui de la nécessaire révolte pour
conserver ou retrouver sa liberté dans une société où tout le monde s’évertue
à dire à tout le monde ce qu’il faut faire et penser, ne pas faire et
ne pas penser, ce qui provoque chez la petite Alice cette réaction
salutaire : "Se révolter 24 heures sur 24 est un devoir
sacré".
Six personnages s’affrontent sur un champ de bataille quotidien, une
famille bourgeoise de notre temps. Le camp des adultes est représenté
par la mère et le père, le camp des enfants par la Petite Alice, son
cousin Spartacus et une jeune chienne, l’Autre Alice, tandis que, un peu
à l’écart, se tient une vieille dame indigne, la Mamie. Le camp des
parents est marqué par le conformisme, le camp des enfants par un
questionnement permanent et la volonté d’obtenir des réponses logiques
aux questions posées. L’étroitesse d’esprit des adultes fait
contraste avec la sophistication et les connaissances supérieures de
leurs enfants rebelles, et ce sont les enfants qui enseignent aux parents.
L’artiste s’exprime par la bouche de la
Petite Alice, qui conduit le camp des enfants ; drôle, cultivée,
impertinente, révoltée, discutailleuse, anarchiste, c’est une
raisonneuse qui n’a pas encore accepté les concessions de la vie en
société, qui regarde le monde droit dans les yeux et refuse autant ses
conventions que tout enseignement scolastique ; c’est une
cartésienne en herbe exigeant que les hommes aient des actes en
conformité avec leurs dires, et par son questionnement permanent, d’une
logique implacable, elle déstabilise ses adversaires et met à jour leurs
contradictions ; c’est ainsi qu’elle demandera, apprenant que de
la portée à naître de la chienne Alice ses parents ne garderont qu’un
chiot : " Maman, qu’as-tu fait de mes petits
frères ? Avoue ! "
" Se
révolter ou ne pas se révolter ? ", telle est la question
que se pose la petite fille face à sa mère, parfait exemple de la
bourgeoise conformiste qui ne suit certes pas le conseil de Voltaire, dans
son Dictionnaire philosophique : " Ne cherchez
jamais à employer l’autorité là où il ne s’agit que de
raison ". Son prénom, Alice, nous fait d’ailleurs
penser à l’Alice de Lewis Carroll : comme cette dernière, elle se
débat dans le monde inquiétant des adultes, et sa mère ressemble par
bien des aspects à la Reine Blanche, odieuse et cruelle, d’Alice au
pays des merveilles.
.. |