Les Crabiers de l’Ancien Continent
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier Caiot
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier Roux
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier marron
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Guacco
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier de Mahon
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier de Coromandel
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier blanc & brun
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Crabier noir
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Petit Crabier
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Blongios


 
 

Pages 118 à 130 de l’HISTOIRE NATURELLE DES OISEAUXTome Quatorzième de l’HISTOIRE NATURELLEGÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE de M. de Buffon.

LES CRABIERS

Ces oiseaux sont des hérons encore plus petits que l’aigrette d’Europe ; on leur a donné le nom de « crabiers », parce qu’il y en a quelques espèces qui se nourrissent de crabes de mer, & prennent des écrevisses dans les rivières. Dampier & Wafer en ont vus au Brésil, à Timor, à la nouvelle Hollande (a) ; ils sont donc répandus dans les deux hémisphères. Barrère dit que, quoique les crabiers des îles de l’Amérique prennent des crabes, ils mangent aussi du poisson, & qu’ils pêchent sur les bords des eaux douces, ainsi que les hérons. Nous en connaissons neuf espèces dans l’ancien continent, & treize dans le nouveau.

CRABIERS DE L’ANCIEN CONTINENT
 

LE CRABIER CAIOT (b)
Première Espèce

Aldrovande dit qu’en Italie, dans le Boulonois, on appelle cet oiseau « quaiot »« quaiotta » ; apparemment par quelque rapport de ce mot à son cri ; il a le bec jaune & les pieds verts ; il porte sur la tête une belle touffe de plumes effilées, blanches au milieu, noires aux deux bords ; le haut du corps est recouvert d’un chevelu de ces longues plumes minces & tombantes, qui forment sur le dos de la plupart de ces oiseaux crabiers comme un second manteau ; elles sont dans cette espèce d’une belle couleur rousse.

LE CRABIER ROUX (c)
Deuxième Espèce

Selon Schwenckfeld, ce crabier est rouge (‘ardea rubra’), ce qui veut dire d’un roux vif, & non pas marron, comme traduit M. Brisson ; il est de la grosseur d’une corneille ; son dos est roux (‘dorso rubicondo’) ; son ventre blanchâtre ; les ailes ont une teinte de bleuâtre, & leurs grandes pennes sont noires. Ce crabier est connu en Silésie, & s’y nomme héron rouge (« rotter-reger ») ; il niche sur les grands arbres.

LE CRABIER MARRON (d)
Troisième Espèce

Après avoir ôté ce nom mal donné à l’espèce précédente par M. Brisson, nous l’appliquons à celle que le même Naturaliste appelle « rousse », quoique Aldrovande la dise de couleur uniforme, passant du jaunâtre au marron ; ‘ex croceo ad colorem castaneae vergens’ : mais, s’il n’y a pas méprise dans les expressions, ces couleurs sont distribuées contre l’ordinaire, étant plus foncées dessous le corps & plus claires sur le dos & les ailes (e) ; les plumes longues & étroites, qui recouvrent la tête & flottent sur le cou, sont variées de jaune & de noir ; un cercle rouge entoure l’oeil qui est jaune ; le bec noir à la pointe, est vert bleuâtre près de la tête ; les pieds sont d’un rouge foncé ; ce crabier est fort petit, car Aldrovande comptant tous les crabiers pour des hérons, dit  » ‘coetris ardeis ferè omnibus minor est’ « . Ce même Naturaliste paraît donner comme simple variété le crabier (f), dont M. Brisson a fait sa trente-sixième espèce ; ce crabier a les pieds jaunes & quelques taches de plus que l’autre sur les côtés du cou ; du reste il lui est entièrement semblable, ‘per omnia similis’ : nous n’hésiterons donc pas à les rapporter à une seule & même espèce, mais Aldrovande paraît peu fondé dans l’application particulière qu’il fait du nom de « cirris«  à cette espèce. Scaliger, à la vérité, prouve assez bien que le « cirris » de Virgile n’est point l’alouette (« galerita »), comme on l’interprète ordinairement, mais quelque espèce d’oiseau de rivage aux « pieds rouges », à la « tête huppée », & qui devient la proie de l’aigle de mer (« halioeetus ») ; mais cela n’indique pas que le « cirris » soit une espèce de héron, & moins encore cette espèce particulière de crabier, qui n’est pas plus huppé que d’autres ; & Scaliger lui-même applique tout ce qu’il dit du « cirris » à l’aigrette, quoique à la vérité avec aussi peu de certitude (g). C’est ainsi que ces discussions érudites, faites sans étude de la Nature, loin de l’éclairer, n’ont servi qu’à l’obscurcir.

LE GUACCO (h)
Quatrième Espèce

C’est encore ici un petit crabier connu en Italie, dans les vallées du Boulonois, sous le nom de « sguacco ». Son dos est d’un jaune rembruni (‘ex luteo ferrugineus’) ; les plumes des jambes sont jaunes ; celles du ventre blanchissantes ; les plumes minces & tombantes de la tête & du cou, sont variées de jaune, de blanc & de noir : ce crabier est plus hardi & plus courageux que les autres hérons ; il a les pieds verdâtres, l’iris de l’oeil jaune, entouré d’un cercle noir…

LE CRABIER DE MAHON
Cinquième Espèce

Cet oiseau, nommé dans nos planches enluminées, héron huppé de Mahon, est un crabier, même de petite taille, & qui n’a pas dix-huit pouces de longueur ; il a les ailes blanches ; le dos roussâtre ; le dessus du cou d’un roux jaunâtre, & le devant gris-blanc ; la tête porte une belle & longue huppe de brins gris blanc & roussâtres.

LE CRABIER DE COROMANDEL
Sixième Espèce

Ce crabier a du rapport avec le précédent ; il a de même du roux sur le dos, roux-jaune & doré sur la tête & au bas du devant du cou, & le reste du plumage blanc, mais il est sans huppe ; cette différence, qui pourrait s’attribuer au sexe, ne nous empêcherait pas de le rapporter à l’espèce précédente, si celle-ci n’était plus grande de près de trois pouces…

LE CRABIER BLANC & BRUN
Septième Espèce

Le dos brun ou couleur de terre d’ombre, tout le cou & la tête marqués de longs traits de cette couleur sur un fond jaunâtre ; l’aile & le dessus du corps blancs ; tel est le plumage de ce crabier que nus avons reçu de Malaca ; il a dix-neuf pouces de longueur.

LE CRABIER NOIR
Huitième Espèce

M. Sonnerat a trouvé ce crabier à la nouvelle Guinée ; il est tout noir, & a dix pouces de longueur. Dampier place à la nouvelle Guinée de petits  » preneurs d’écrevisses «  à plumage blanc-de-lait (i) ; ce pourrait être quelque espèce de crabier, mais qui ne nous est pas jusqu’ici parvenue, & que cette notice seule nous indique.

LE PETIT CRABIER (k)
Neuvième Espèce

C’est assez caractériser cet oiseau que de lui donner le nom de petit crabier ; il est en effet plus petit que tous les crabiers, plus même que le blongios (**), & n’a pas onze pouces de longueur. Il est naturel aux Philippines ; il a le dessus de la tête, du cou & du dos, d’un roux-brun ; le roux se trace sur le dos par petites lignes transversales, ondulantes sur le fond brun : le dessus de l’aile est noirâtre, frangé de petits festons inégaux, blanc roussâtre ; les pennes de l’aile & de la queue sont noires.

LE BLONGIOS (l) (**)
Dixième Espèce

Le blongios est en ordre de grandeur, la dernière de ces nombreuses espèces que la Nature a multipliées en répétant la même forme sur tous les modules, depuis la taille du grand héron, égal à la cigogne, jusqu’à celle du plus petit crabier & du blongios, qui n’est pas plus grand qu’un rafle (**) ; car le blongios ne diffère des crabiers que par les jambes un peu basses, & le cou en proportion encore plus long : aussi les Arabes de Barbarie, suivant le Docteur Shaw, lui donnent-ils le nom de « boo-onk », long cou, ou à la lettre, « père du cou » (m). Il l’allonge et le jette en avant comme par ressort en marchant, ou lorsqu’il cherche sa nourriture ; il a le dessus de la tête & du dos noirs à reflets verdâtres, ainsi que les pennes des ailes & de la queue ; le cou, le ventre, le dessus des ailes d’un roux-marron, mêlé de jaunâtre ; le bec & les pieds sont verdâtres.

Il paraît que le blongios se trouve fréquemment en Suisse ; on le connaît à peine dans nos provinces de France où on ne l’a rencontré qu’égaré, & apparemment emporté par quelque coup de vent, ou poussé de quelque oiseau de proie (n) (*). Le blongios se trouve sur les côtes du Levant aussi bien que sur celles de Barbarie ; M. Edwards en représente un qui lui était venu d’Alep ; il différait de celui que nous venons de décrire, en ce que les couleurs étaient moins foncées, que les plumes du dos étaient frangées de roussâtre & celles du devant du cou & du corps marquées de petits traits bruns (o) : différences qui paraissent être celles de l’âge ou du sexe de l’oiseau ; ainsi, ce blongios du Levant, dont M. Brisson fait la seconde espèce (p), & le blongios de Barbarie, ou « boo-onk » du Docteur Shaw, sont les mêmes, selon nous, que notre blongios de Suisse.

Toutes les espèces précédentes de crabiers, appartiennent à l’ancien continent : nous allons faire suivre celles qui se trouvent dans le nouveau, en observant pour les crabiers la même distribution que pour les hérons.

(*) Notes :

(n) (réf : Le blongios, p. 129) « J’ai vu un de ces petits hérons, de la grandeur d’un merle ; il s’était laissé prendre à la main dans le jardin des Dames du Bon-Pasteur à Dijon ; je le vis enfermé dans une cage à faire couver des serins ; son plumage ressemblait à celui d’un rafle (**) de prairie ; il était fort vif, & s’agitait sans cesse dans sa cage, plutôt par une force d’inquiétude que pour chercher à s’échapper ; car lorsqu’on s’approchait de sa cage, il s’arrêtait, menaçait du bec & le lançait comme par ressort. Je n’ai jamais rencontré ce très petit héron dans une aucune des provinces où j’ai chassé, il faut qu’il soit de passage. » Note communiquée par M. Hébert.

(**) le blongios est sans doute l’actuel blongios nain ; nous n’avons pas retrouvé le rafle (ndlr).