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Les  trois Bihoreaux
l'Ombrette
le Courliri
et le Savacou
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de l'Ancien Continent  et du Nouveau Continent
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Pages 185 à 201 de l'HISTOIRE NATURELLE DES OISEAUX,
Tome Quatorzième de l’HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE
ET PARTICULIÈRE
de M. de Buffon.
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LE BIHOREAU
(a)
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     La plupart des Naturalistes ont désigné le bihoreau sous le nom de " corbeau de nuit " (‘nycticorax’) ; & cela d’après l’espèce de croassement étrange, plutôt de râlement effrayant & lugubre qu’il fait entendre pendant la nuit (b) ; c’est le seul rapport que le bihoreau ait avec le corbeau, car il ressemble au héron par la forme & l’habitude du corps ; mais il en diffère en ce qu’il a le cou plus court & plus fourni ; la tête plus grosse ; & le bec moins effilé & plus épais ; il est aussi plus petit, n’ayant qu’environ vingt pouces de longueur ; son plumage est noir, à reflet vert sur la tête & la nuque ; vert obscur sur le dos ; gris de perle sur les ailes & la queue, & blanc sur le reste du corps ; le mâle porte sur la nuque du cou, des brins, ordinairement au nombre de trois, très déliés, d’un blanc de neige (c), & qui ont jusqu’à cinq pouces de longueur ; de toutes les plumes d’aigrette, celles-ci sont les plus belles & les plus précieuses (d) ; elles tombent au printemps, & ne se renouvellent qu’une fois par an ; la femelle est privée de cet ornement, & elle est assez différente du mâle, pour avoir été méconnue par quelques Naturalistes. La neuvième espèce de héron de M. Brisson, n’est en effet que cette même femelle (e) ; elle a tout le manteau d’un cendré roussâtre ; des taches en pinceaux de cette même teinte sur le cou ; & le dessus du corps gris-blanc.
     Le bihoreau niche dans les rochers, suivant Bélon, qui dérive de là son ancien nom " roupeau " (f) ; mais ; selon Schwenckfeld & Willughby, c’est sur les aulnes près des marais, qu’il établit son nid (g) ; ce qui ne peut se concilier qu’en supposant que ces oiseaux changent d’habitude à cet égard suivant les circonstances ; en sorte qe, dans les plaines de la Silésie ou de la Hollande, ils s’établissent sur les arbres aquatiques, au lieu que, sur les côtes de Bretagne, où Bélon les a vus, ils nichent dans les rochers ; on assure que leur ponte est de trois ou quatre oeufs blancs (h).
     Le bihoreau paraît être un oiseau de passage ; Bélon en a vu un exposé sur le marché au mois de mars ; Schwenckfeld assure qu’il part de Silésie au commencement de l’automne, & qu’il revient avec les cigognes au printemps (i) ; il fréquente également les rivages de la mer & les rivières ou marais de l’intérieur des terres : on en trouve en France dans la Sologne (k) ; en Toscane sur les lacs de Fucecchio & de Bientine (l) ; mais l’espèce en est partout plus rare que celle du héron ; elle est aussi moins répandue & ne s’est pas étendue jusqu’en Suède (m).
     Avec des jambes moins hautes & un cou plus court que le héron, le bihoreau cherche sa pâture moitié dans l’eau, moitié sur terre, & vit autant de grillons, de limaces & autres insectes terrestres, que de grenouilles & de poissons (n) ; il reste caché pendant le jour, & ne se met en mouvement qu’à l’approche de la nuit, c’est alors qu’il fait entendre son cri " ka, ka, ka ", que Willughby compare aux sanglots du vomissement d’un homme (o).
     Le bihoreau a les doigts très longs : les pieds & les jambes sont d’une jaune verdâtre ; le bec est noir (p), & légèrement arqué dans la partie supérieure ; ses yeux sont brillants, & l’iris forme un cercle rouge ou jaune aurore autour de la prunelle.
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LE BIHOREAU DE CAYENNE
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     Ce bihoreau d’Amérique est aussi grand que celui d’Europe, mais il paraît moins gros dans toutes ses parties ; le corps est plus menu ; les jambes sont plus hautes ; le cou, la tête & le bec sont plus petits : le plumage est d’un cendré bleuâtre sur le cou & au-dessous du corps ; le manteau est noir frangé de cendré sur chaque plume ; la tête est enveloppée de noir, & le sommet en est blanc ; il y aussi un trait blanc sous l’oeil ; ce bihoreau porte un panache composé de cinq ou six bris, dont les uns sont blancs & les autres noirs.
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L’OMBRETTE (a)
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     C’est à M. Adanson que nous devons la connaissance de cet oiseau qui se trouve au Sénégal ; il est un peu plus grand que le bihoreau ; la couleur de terre d’ombre, ou de gris-brun foncé de son plumage lui fait donner le nom d’ombrette ; il doit être placé comme espèce anomale (****) entre les genres des oiseaux de rivage, car on ne peut le rapporter exactement à aucun de ces genres ; il pourrait approcher de celui des hérons, s’il n’avait un bec d’une forme entièrement différente, & qui même n’appartient qu’à lui ; ce bec très large & très épais près de la tête, s’allonge en s’aplatissant par les côtés ; l’arête de la partie supérieure se relève dans toute sa longueur, & paraît s’en détacher par deux rainures tracées de chaque côté ; ce que M. Brisson exprime, en disant que le bec semble composé de plusieurs pièces articulées ; & cette arête rabattue sur le bout du bec, se termine en pointe recourbée ; ce bec est long de trois pouces trois lignes ; le pied joint à la partie nue de la jambe a quatre pouces & demi ; cette dernière partie seule a deux pouces : ces dimensions ont été prises sur un de ces oiseaux, conservé au Cabinet du Roi. M. Brisson semble en donner de plus grandes ; les doigts sont engagés vers la racine, par un commencement de membrane plus étendue entre le doigt extérieur & celui du milieu ; le doigt postérieur n’est point articulé comme dans les hérons, à côté du talon, mais au talon même.
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LE COURLIRI ou COURLAN (***1)
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     Le nom de courlan ou courliri ne doit pas faire imaginer que cet oiseau ait de grands rapports avec les courlis ; il en a beaucoup plus avec les hérons, dont il a la stature & presque la hauteur ; sa longueur du bec aux ongles, est de deux pieds huit pouces ; la partie nue de la jambe, prise avec le pied, a sept pouces ; le bec en a quatre ; il est droit dans presque toute sa longueur, il se courbe faiblement vers la pointe, & ce n’est que par ce rapport que le courlan s’approche des courlis, dont il diffère par la taille, & toute l’habitude de la forme est très ressemblante à celle des hérons ; de plus on voit, à l’ongle du grand doigt, la tranche saillante du côté intérieur, qui représente l’espèce de peigne dentelé de l’ongle du héron ; le plumage du courlan est d’un beau brun, qui devient rougeâtre & cuivreux aux grandes pennes de l’aile & de la queue ; chaque plume du cou porte dans son milieu un trait de pinceau blanc. Cette espèce est nouvelle, & nous a été envoyée de Cayenne, sous le nom de courliri, d’où on lui a donné celui de courlan dans nos planches enluminées.
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LE SAVACOU (a) (***2)
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     Le savacou est naturel aux régions de la Guyane & du Brésil ; il a assez la taille & les proportions du bihoreau ; & par les traits de conformation, comme par la manière de vivre, il paraîtrait avoisiner la famille des hérons, si son bec large & singulièrement épaté, ne l’en éloignait beaucoup & ne le distinguait même de tous les autres oiseaux de rivage ; cette large forme de bec a fait donner au savacou le surnom de " cuiller " ; ce sont en effet deux cuillers appliquées l’une contre l’autre par le côté concave ; la partie supérieure porte sur sa convexité deux rainures profondes qui partent des narines, & se prolongent de manière que le milieu forme une arête élevée, qui se termine par une petite pointe crochue ; la moitié inférieure de ce bec, sur laquelle la supérieure s’emboîte, n’est, pour ainsi dire, qu’un cadre sur lequel est tendue la peau prolongée de la gorge ; l’une et l’autre mandibules sont tranchantes par les bords, & d’une corne solide et très dure ; ce bec a quatre pouces des angles à la pointe, & vingt lignes dans la plus grande largeur.
     Avec une arme si forte, qui tranche & coupe, & qui pourrait rendre le savacou redoutable aux autres oiseaux, il paraît s’en tenir aux douces habitudes d’une vie paisible & sobre ; si l’on pouvait insérer quelque chose des noms appliqués par les Nomenclateurs, un de ceux que lui donne Barrère nous indiquerait qu’il vit de crabes (b) ; mais, au contraire, il semble s’éloigner par goût du voisinage de la mer ; il habite les savanes noyées, & se tient le long des rivières où la marée ne monte point (c) ; c’est là que, perché sur les arbres aquatiques, il attend le passage des poissons dont il fait sa proie, & sur lesquels il tombe en plongeant & se relevant sans s’arrêter sur l’eau (d) ; il marche le cou arqué & le dos voûté, dans une attitude qui paraît gênée, & avec un air aussi triste que celui du héron (e) ; il est sauvage & se tient loin des lieux habités (f) ; ses yeux placés fort près de la racine du bec, lui donnent un air farouche ; lorsqu’il est pris, il fait craquer son bec, & dans la colère ou l’agitation, il relève les longues plumes du sommet de sa tête.
     Barrère a fait trois espèces de savacou (g), que M. Brisson réduit à deux (h), & qui probablement se réduisent à une seule ; en effet, le savacou gris & le savacou brun, ne diffèrent notablement entre eux que par le long panache que porte le dernier ; & ce panache pourrait être le caractère du mâle ; l’autre, que nous soupçonnons être la femelle, a un commencement ou un indice de ce même caractère dans les plumes tombantes du derrière de la tête;  &, pour la différence du brun au gris dans leur plumage, on peut d’autant plus la regarder comme étant de sexe ou d’âge, qu’il existe dans le savacou varié (i), une nuance qui les rapproche. Du reste, les formes & les proportions du savacou gris & du savacou brun sont entièrement les mêmes ; & nous sommes d’autant plus portés à n’admettre ici qu’une seule espèce, que la Nature, qui semble les multiplier en se jouant sur les formes communes & les traits du plan général de ses ouvrages, laisse au contraire comme isolées & jetées aux confins de ce plan, les formes singulières qui s’éloignent de cette forme ordinaire, comme on peut le voir par les exemples de la spatule, de l’avocette, du phénicoptère, &c. dont les espèces sont uniques & n’ont que peu ou point de variétés.
     Le savacou brun & huppé (planche enluminée, n° 869), que nous prenons pour le mâle, a plus de gris-roux que de gris bleuâtre dans son manteau ; les plumes de la nuque du cou sont noires & forment un panache long de sept à huit pouces, tombant sur le dos ; ces plumes sont flottantes & quelques-unes ont jusqu’à huit lignes de largeur.
     Le savacou gris (planche enluminée, n° 38), qui nous paraît être la femelle, a tout le manteau gris-blanc bleuâtre, avec une petite zone noire sur le haut du dos ; le dessous du corps est noir mêlé de roux ; le devant du cou & le front sont blancs ; la coiffe de la tête tombante derrière en pointe, est d’un noir bleuâtre.
     L’un & l’autre ont la gorge nue ; la peau qui la recouvre paraît susceptible d’un renflement considérable ; c’est apparemment ce que veut dire Barrère par " ingluvie extuberante ". Cette peau, suivant Marcgrave, est jaunâtre ainsi que les pieds ; les doigts sont grêles & les phalanges en sont longues ; on peut encore remarquer que le doigt postérieur est articulé à côté du talon, près du doigt extérieur comme dans les hérons ; la queue est courte & ne passe pas l’aile pliée, la longueur totale de l’oiseau est d’environ vingt pouces. Nous devons observer que nos mesures ont été prises sur des individus un peu plus grands que celui qu’a décrit M. Brisson, qui était probablement un jeune.
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(***1) Nous avons trouvé le courlan dans le LAROUSSE UNIVERSEL en 2 VOL. de 1922, sous cette définition : ‘courlan, n.m.,genre d’oiseaux échassiers de la famille des rallidés (on dit aussi " courliri ")’ ; nous ne l’avons pas retrouvé dans le GRAND ROBERT en 6 VOL. de 1978, ni dans le PETIT LAROUSSE de 1993 (ndlr)
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(***2) Nous avons trouvé le savacou dans le LAROUSSE UNIVERSEL en 2 VOL. de 1922, sous cette définition : ‘savacou, n.m., genre d’échassiers propres aux régions tropicales de l’Amérique, et qui comprend des oiseaux à bec énorme, élargi en nacelle, qui vivent au bord des grand cours d’eau (on les appelle aussi " becs-en-cuiller ")’ ; nous ne l’avons pas retrouvé dans le GRAND ROBERT en 6 VOL. de 1978, ni dans le PETIT LAROUSSE de 1993 (ndlr).
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(****) Se dit d’une forme ou d’une construction qui présente un caractère aberrant par rapport à un type ou une règle ; LE NOUVEAU PETIT ROBERT, 2000 (ndlr).
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Nota.
Parce que les ornithologues, dès la Grèce ancienne, ont souvent donné à la spatule des dénominations impropres, dont celles de " héron blanc " ou " pélican ", M. de Buffon a introduit dans le genre des hérons cet oiseau échassier, à long bec en spatule, qui vit en colonies au bord de l’eau, mais qui vole le cou tendu, contrairement aux hérons. Pour en savoir plus sur lui, cliquez sur <spatule>.
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(conception & réalisation : anne-marie simond ;  copyright  © <éditions du héron> 2001)